Calligraphie
"Rien n'est plus difficile qu'un trait, personne ne sait combien il faut penser un trait"
Pablo Picasso
Le mot calligraphie en Occident signifie belle écriture.
En Chine, estimée depuis deux mille ans, elle est un art et est considérée comme l’acte esthétique idéal de l’accomplissement artistique. Elle est définie comme supérieur à la peinture qui en est une émanation directe.
Souvent considérée comme un art abstrait pour les occidentaux, elle attire néanmoins les regards.
En Chine, la calligraphie présente une part de beauté mais derrière il y a davantage.
Être bon calligraphe nécessite toute une vie d’effort. Elle nécessite une préparation intérieure, on se dédie entièrement à son art et dans la croyance du souffle primordial qui nous uni au ciel (cosmologique) et à la terre. L’homme présente ce lien entre le ciel et la terre.
La pratique de la calligraphie est le passage du souffle primordial en nous avec une idée de transparence, de disponibilité en ôtant tout obstacle pour que ce souffle qui passe dans notre corps, dans l’épaule, le bras, le poignet, le pinceau jusqu’à sa pointe qui va tracer un trait qui ne peut être repris ou corrigé et qui doit arriver dans sa parfaite justesse et dans sa vie. Le trait calligraphique c’est la vie sur le papier, tel un danseur s’exerçant à faire maintes fois un mouvement pour arriver à l’excellence de son art.
L’art du geste
Les caractères chinois s’écrivent chacun selon un ordre des traits immuable. Apprendre à écrire un caractère, c’est apprendre à en tracer les éléments dans un ordre prescrit, qui découle d’un certain nombre de règles. Avec le temps la main se fait à la séquence et l’exécute sans plus d’hésitation, la transformant en un geste unique.
Calligraphier c’est donner vie au souffle vital pour établir un lien entre l’homme et l’univers.
Comme le dit si bien François Cheng dans son livre Et le souffle devient signe : "la calligraphie est un sismographe de notre vérité intérieure (…), lorsque le vrai et le beau ont consenti à laisser leurs fugaces et indélébiles empreintes".
L’ordre des traits étant imposé et les retouches impossibles, le spectateur peut retracer pas à pas le cheminement de l’artiste, déchiffrer les pressions du pinceau, deviner les ajouts d’encre et ainsi entrer en communion avec le calligraphe.
On retrouve ainsi les deux courants de pensées philosophiques chinois, le confucianisme pour la dimension sociale et le taoïsme pour l’approche naturelle.
Renoncules des glaciers
冰川毛茛
2022
Dans la calligraphie ou la peinture chinoise, le trait de Pinceau, n’est pas une simple ligne ou le simple contour des choses.
Né de l’art calligraphique, il comporte de multiples implications. Par son plein et son délié et par le Vide qu’il cerne, il représente forme et volume; par son «attaque» et sa «poussée», il exprime rythme et mouvement; par le jeu de l’Encre il suggère ombre et lumière; enfin, par le fait que l’exécution en est instantanée et sans retouche, il introduit les souffles vitaux, plus que la ressemblance extérieure, ce que le Trait cherche à capter, c’est le 里 (li), c’est-à-dire la «ligne interne» des choses.
Chaque trait dans une calligraphie a une position spécifique et bien déterminée et selon un principe : il s’agit d’écarter les positons qui affaiblissent l’indépendance du caractère et d’adopter celles qui la renforcent, voire de conjuguer le plus grand nombre possible de ces dispositions afin de créer un réseau complexe de tensions et d’échanges entre les parties du caractère, un jeu d’énergies qui agissent puissamment les unes sur les autres tout en se contenant réciproquement.
Par les variations d’épaisseurs du trait, ses courbes et ses mouvements, le pinceau témoigne de la personnalité et laisse s’exprimer les pulsions et les aspirations de l’artiste
La compassion coeur de l'humanité